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Affichage des articles associés au libellé la cinquieme saison

La cinquième saison - extrait no. 10 - final - Voies d'eau

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  Voies d’eau   Le vent a forci. Quand je suis ressorti, ai senti immédiatement les lames d'air abrasif lacérant la peau de mon visage. Happé par les bourrasques, suis descendu en équilibre précaire la pente douce qui nous sépare de la resserre. Une vingtaine de mètres à peine. Le sentier est glissant et le faux plat en contrebas, inondé. L'eau rentre dans mes bottes. Sensation de froid juste en dessous des genoux. Il faut faire coulisser la lourde porte en bois. La lampe bleue étanche tombe. Je retrousse ma manche et la reprends. Ai entrouvert afin de pouvoir entrer. Obscurité. J'allume la baladeuse. Même si elle fonctionne encore, son faisceau éclaire à peine plus loin que devant soi. J’avais perdu le souvenir du tapis récupéré quelques mois plus tôt ; orient rouge sur la dalle de ciment brut. Les motifs géométriques sont déformés par le mouvement de l'eau. Du sable s'est déposé en certains endroits. Contact à peine spongieux. J'entends un flux continu. Cela n

La cinquième saison - extrait no. 9 sur 10 - La fin du monde

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  La fin du monde Qu'y a-t-il à en dire si ce n'est qu’il apparaît dressé dans la diagonale d’une toile d’un mètre quatre-vingt de large sur deux mètres cinquante de haut  comme puissamment détaillé. Selon le peintre, cela représente le terme du monde. Il y a ambiguïté dans l’image. On joue sur la matière et l’aspect construit du membre. Les apparentes coulures de rouille et l’usure du temps font vivre le béton armé, tandis que des graffitis, comme inscrits à la bombe de spray vif, l’enlumine. Ecrit dessus dans la longueur en lettre de sang: FASCINATION. Aurelius semble content. À gauche, il a formé en arrondi les lettres du mot : VIE ; à droite : LIE. Dans les cordages enroulés titubent des personnages comme réduits à la taille d’insectes et liés entre eux par une chaîne. En arrière-plan, on voit les brumes qui flottent sur le port. Avec l'échelle, cela donne : A vie lie. Aurelius dit : –    Il y a des panneaux de plexis transparents dans la remise. Avec ce déluge, i

La cinquième saison - l'extrait no. 7 - La vie en beige

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  La vie en beige   Aurelius esquisse un sourire de biais. Nous rentrons à peine. Je me rapproche du poste et tends l'oreille. Timbre suave qui réchauffe. Le sang andin coule au-delà de ce chant. Derrière la mélopée grave, il y a le rythme aérien des tambours accompagnant les souffles rauques de flûtes de là-bas. Un vieil enregistrement. On annonce son nom : Mercedes Sosa. J'écoute sans penser à autre chose. Machinalement je joins mes mains en forme de prière pour dire la beauté du chant. Puis c'est la fin. –     Tu déconnes, reprend Aurelius en grommelant. Rends-toi compte, ce sont les poissons et les algues qui donnent tout son sens à l'océan. On ne peut à tort et à travers inquiéter les symboles comme si cela ne changeait rien. Son regard percute le mien. –     Vous rentrez tard, dit Val statufié par la pose; Carmen a pleuré. Philippe a le nez plongé dans le buffet. Il empile les paquets de biscuits qui jonchent le banc. Comme il nous a entendu arriver,

La cinquième saison - l'extrait no. 6 - Sexe

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  Sexe   Nous en sommes au cinquante-septième jour de pluie, sans discontinuer.   Les arbres au loin baignent dans l'étendue d'eau. Les touffes des bosquets semblent reposer à la surface comme de grandes plantes marines. Il est vrai que le terrain sur lequel les baraquements d'entrée ont été construits surplombe légèrement les champs et les landes de la région. Mais dans quelques jours, si cela continue, le niveau de l'eau atteindra les premiers rondins de la paroi sud du caravansérail. Avons rapproché la barque. Me suis échiné à écoper son large ventre.     *       *       *   Les jours défilent. L'eau monte imperceptiblement. A la radio, on ne cesse d'évoquer ces pluies interminables. Des déserteurs ou dissidents et d’autres, les serviles de l’État au discours rutilant contrariés par quelque philosophe maussade et même des gens humbles s'étendent sur le sujet. Ils en parlent comme s'ils n'avaient rien sur le feu. Ils s'écouten

La cinquième saison - extrait no. 5 - La boulangerie

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La boulangerie   Un petit gars à l’allure débonnaire m'a servi. Il peut bien avoir seize ans. –    Z'êtes en vacances ? A cause de la montée des eaux, s'entend... On en voit plein ces temps-ci. Des gens de partout. Des touristes du déluge, que je dis. Y viennent des villes du Sud. Y a même des étrangers de couleur. La curiosité sans doute… –    Non, je travaille dans la région depuis plusieurs mois. D'habitude, mes amis s'approvisionnent au village de T au bord de l'océan. –    Faut dire, autant d'eau, paraît que c'est un record. Faudra partir. Le vieux a dit : " On sera les derniers, c'est pas les Jakusis qu'on s'est avisé de voter qui paient les traites du mois. On quittera le bateau quand y aura plus de rats pour bouffer les miettes ". Enfin, c'est pas pour vous que je le dis... Il m'a tendu les trois livres de pain que j'avais désigné. Diverses sortes de farines et de formes encore éparses jonchent les rayons de bois

La cinquième saison - extrait no. 4 - Écho médiatique

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  Écho médiatique Il doit bien être trois heures de l’après-midi. Me suis arrêté au café à l'entrée d'un hameau au nom improbable. Des villageois commentent les mesures qui vont être prises sous peu par les autorités du district. Un gars à la mine burinée et à la barbe poivre et sel opine. Une jeune femme lit. A peine m'a-t-elle vu entrer qu'elle me demande du feu. En même temps, elle pose son livre plaçant à l'intérieur ses lunettes pour garder la page. Dans une arrière-salle ouverte, la télévision allumée. A l’écran, un présentateur gominé gris à l'embonpoint vaguement arrêté sert des histoires gommeuses à une kyrielle de chérubins déguisés en poupée. Ces images semblent aujourd'hui n'accrocher le regard de personne. Mes mains meurtries par le froid mouillé du dehors cherchent dans une poche du sac le briquet. Impression contrastée de sécheresse sur la peau. Lorsque j'ai voulu allumer, mes doigts gourds n'allaient pas assez vite. Ai essayé d

La cinquième saison - l'extrait no. 3

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      Croyances   Toujours le vent dans les arbres et le pylône impassible. Plus à l'est, le clocheton de la remise peint en rouge et rosâtre à sa base, fend le ciel mouvant. Malgré la pluie, la peinture semble tenir sur le bois. Aujourd'hui, la tempête. Aurelius croit, il a raison. Moi non, j'ai davantage raison. Le temps passe et, pour vivre mieux, faites qu'il passe vite. Le matin on travaille, l'après-midi, on s'efforce de comprendre les oiseaux. Le soir, on s'affole de n'avoir accompli que la moitié de notre tâche. Il faut leur donner à manger. Sinon, ils crient la nuit. Faire, défaire les lieux ou laisser tel quel cet univers irréel qu'Heragt a rêvé un jour de l'autre côté du rideau, derrière les fils barbelés alors qu'un jeune gars sur un mirador jouait à le prendre en mire. Encaisser l’entrée de quelque visiteur en déroute. Aujourd'hui, Philippe ne pourra probablement pas s'en mettre une seule dans la poche. Philip

La cinquième saison - l'extrait no. 2

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    Pluies Philippe est rentré de sa brève randonnée. A travers sa gestuelle encore sublimée par la météo venteuse et les sentiers impraticables se dégage une énergie qu'on ne lui connaît pas. Il prend plaisir à rapporter ce qu'il a vu, les animaux en détresse, les trombes d'eau et les glissements de terrain sur les chemins inondés. Il va chercher le chiffon de velours noir pour essuyer ses lunettes. Au-dessus dans l'encadrement de la trappe, sa tignasse apparaît. D’en haut, il cause sans s'interrompre et le flot des mots tombe sur nos têtes crayeuses. On doit se réjouir de sa bravoure. Il a su contrer les éléments pour sauver ses os. Il dit que le sol est détrempé partout, qu'on ne distingue plus les champs du Kéoma. Il dit que les flamants gisent noyés et qu'il faudra aménager une plate-forme où mettre la paille dans la cabane des oies. Il veut se réchauffer et décide de préparer du thé. L'entente n'est à vrai dire pas aussi mauvaise qu'Her

La cinquième saison - premier extrait

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Entre terre, mer et ciel ; le caravansérail   Il a fallu le hasard pour nous rassembler ici dans ce lieu d'invraisemblance et de marais. Il y a les cages vers l’entrée. Le parc s'étend sur près de trois cent hectares. Derrière le sous-bois, la roseraie frissonnante déploie sa blondeur sur la rive sud d'un lac minuscule. Dans cette zone du domaine nichent les poules d'eau et les grèbes. Les précédents employés ont juste mis en place un chemin de planches. Nous sommes arrivés au Parc des oiseaux en octobre, les deux premiers ensemble, puis moi quelques jours après.   Si nous revenons sur nos pas, une lande, dont les bosquets épars offrent ombrage à quelque lièvre ou tourterelle, est divisée au gré des déraisons de notre chef. Il nous a dit qu’on devait l’appeler Heragt. Plus loin, on accède aux bâtiments de service par diverses voies, mais aussi en barque. Un canal étroit joint les étendues du Nord-Est et l’océan. Les baraquements de l'entrée qui donnent