La cinquième saison - extrait no. 8 sur 10 - Scène

 




Scène

Le lendemain, la pluie s'est arrêtée autour des neuf heures. Aurelius a poursuivi l'achèvement de sa dernière œuvre. Philippe est sorti s'en fumer une dehors. L'ai rejoint. On a cherché des cailloux plats sur le promontoire pour faire des ricochets.

–    Tu crois vraiment que l'eau va redescendre que j'ai demandé.

–    Je n'en sais rien. En tout cas, ce ne sera plus comme avant. Ici, il faudra tout reprendre à zéro. Regarde les cercles à la surface. Han ! ... 3, 4, 5, 6 et le septième, tu l'as vu ? Tu l’as vu ?

Il ajoute en souriant étrangement :

–    Se peut-il que tu réussisses à faire mieux ?

Je dis :

–    Il faut que j'en trouve un avec le poids suffisant pour ma main.

Me suis baissé examinant les galets plats à mes pieds. J’ai choisi.

–    Mon vieux, tiens regarde !

Aspiré un grand coup, puis ai lancé sèchement de toute la force de mon bras droit le caillou blanc, quitte à me déboîter l'épaule. Il n’a pas rebondi autant de fois que je ne l’espérais.

–    Raté, déclare mon compagnon.

–    Pourquoi est-ce que tu t’échines à compter les vivres Philippe ? Si l'eau monte encore, nous devrons tous partir.

–    Pour aller où ? Moi, j’entends bien rester coûte que coûte. D'ailleurs, si nous envoyons au diable ceux qui veulent nous embarquer, ils nous laisseront tomber. Tu verras. Yana et Aurelius sont d'accord avec moi ; il faut rester. Mais, si tu envisages d’abandonner, on ne te retient pas.

–    C'est ce que tu voudrais ? je dis.

–    ...

–    A cause de Yana n’est-ce pas ?

–    Peut-être, dit Philippe, peut-être que non. Laisse-la de côté ! Tu poses des questions qui n'amènent nulle part ; tu ne saisis pas l’enjeu des sens…

–    C’est vrai que sa beauté nous heurte ; pourtant je m’étais promis de ne plus souffrir. Tu sais, je t'apprécie malgré ta vision courte et ce même si tu la désires pour toi. Les cicatrices se rouvrent à peine franchi le seuil des sentiments. De toute façon que peut-on encore attendre ? On aime, on veut tout ; on refuse de l’autre ce qu’on désire pour soi ; on se détruit pour se rendre compte plus tard que cela ne suffira jamais.

–    Tu causes, tu causes…

      Tant que tu seras dans les parages, ce sera comme une coupe de vin mauvais qui se remplit de la quantité qu’on a bu la veille. Puis à quoi bon... Compte plutôt tes cercles !

–    Est-il assez régulier celui-ci ?

–    Vas-y toujours !

–    Ho! 1, 2, 3 et 4. Ma foi, il n'y a rien à dire, tu lances avec plus d’adresse. Au moins cette fois, les écarts étaient longs.

–    Cela n'est pas que je t'en veuille, dit Philippe comme à contrecœur. Oublie ! Quand les sentiers nous permettront à nouveau de rejoindre l’autre monde, l'un de nous devra s'en aller et qui sait, Yana choisira de prendre une voie de traverse avec ses enfants.

–    Allez..., 1, 2, 3, 4, 5 et même un peut-être un sixième.

–    Pas si mal !

 

 

 

A l'horizon, point une tâche claire qu'on ne devinait pas tout à l'heure.

Philippe a continué de jeter des galets ; suis rentré à l'intérieur.


 

*      *      *


Auteur : Guerdan

Relacture: Anne J.



Et si le cycle routinier des saisons disparaissait dans le tourbillon des changements climatiques, que deviendrons-nous ? Manuel  Guerdan visite cette hypothèse pas si invraisemblable que cela à travers une nouvelle que nous avons le plaisir de vous proposer au cours de ces prochaines semaines.  Vous souvenez-vous des dernières inondations ?


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