La tour des voleurs 2/2
Le premier extrait a été publié plus tôt. Il se trouve là
Aujourd'hui on vous invite à découvrir la fin :
"Afin que les touristes puissent
admirer le moindre détail de ce cachot, les conservateurs du petit musée y
avaient placé tout au fond une petite lampe orange.
Les pieds au bord du grillage, le
visage penché en avant, je fus soudainement saisi d’un étrange vertige. J’eus le
sentiment de glisser et de glisser encore, et d’être tout à coup recroquevillé là-bas.
En regardant vers le haut, j’entrevoyais à peine des visages inconnus scrutant
dans les ténèbres.
Je fus habité alors par la
frayeur et le désespoir ressentis jadis, il y a si longtemps, si longtemps, par
un jeune voleur maladroit. La terrible solitude de cette prison brisait son âme
autant que les tortures avaient brisé ses membres. Je ressentais une détresse
immense et l’agonie de ce corps qui luttait pour sa survie dans l’attente de
son jugement. Son râle ne parvenait pas aux gardiens murés dans l’indifférence.
Combien de temps ce vertige
a-t-il duré ? Je ne saurais le dire. Mais j’ai senti la vie s’échapper de
ce corps, l’âme prisonnière d’une angoisse indicible. Désespérée jusqu’à l’épuisement. Et soudain, un rayon de lumière. Le soleil glissant un instant
par l’une des meurtrières de la pièce d’à côté vint, lui seul, compatissant,
rendre visite au prisonnier. Du fond du cachot, guidé par ce mince rayon,
surgit un papillon. Un papillon blanc. Il remonta, léger et fragile, les six
mètres du trou et voltigea un instant par-dessus le grillage. Il voleta ici et
là dans la salle des tortures pour se faufiler, enfin, à travers l’une des meurtrières
et s’élancer libre dans la lumière pleine du jour.
Je ne peux dire si d’autres que
moi ont vu le papillon. Je suis sorti avec soulagement de la Tour des voleurs
pour retrouver la chaleur du soleil. Et aujourd’hui encore je me plais à croire
que la Pitié a eu pitié de ce jeune voleur en donnant des ailes à son âme en
détresse et qu’elle s’élance encore par les airs bleutés et les cieux limpides
qui entourent cette ville moyenâgeuse si belle et si cruelle, sous les semblants
d’un papillon blanc."
ce texte vient du bref récit "La Tour des voleurs" par E. W. GAB
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