"Ils nous ont volé les étoiles" dans son appartement

Par passion pour la lecture, nous partageons en ligne des extraits de nos livres. Vous trouverez plus bas un extrait de "Ils nous ont volé les étoiles" par E. W. GAB. 

"De retour chez moi le soir, je me mis à la corvée vaisselle. J’étais, je crois, la seule de tout mon entourage à ne pas posséder un lave-vaisselle. Mais ça ne me contrariait pas outre mesure. J’avais fait de cette corvée un moment de détente. Tasses, assiettes, casseroles, couverts, plus ou moins collants, passaient en ordre aléatoire entre mes doigts routinés. J’en profitais pour regarder depuis la fenêtre ma paisible terrasse et mon paisible voisinage. La vieille camionnette déglinguée était toujours parquée dans son coin, mais privée de ses guirlandes de lumières, qui lui donnaient une allure féérique, elle ressemblait à ce qu’elle était en réalité : une vieille carcasse de camionnette. Le voisin aurait pu au moins faire l’effort de l’orner de pots de fleurs, grommelais-je de mauvaise foi. Déprime.

Il fallut un bon quart d’heure pour que mon cerveau m’adresse un signal d’alerte et de danger. Mes pantoufles ! En sortant, j’en étais sûre, je les avais abandonnées au milieu du couloir, comme d’habitude. En rentrant, elles étaient rangées sagement sur le côté. Je les avais enfilées automatiquement après avoir enlevé mes bottes, sans y prêter attention.

Mon cerveau se figea d’épouvante. Quelqu’un était entré chez moi. Comment ? Avais-je oublié de fermer la porte à clé ? La question toutefois était de savoir s’il y était encore. Tout en réfléchissant, je continuais à faire la vaisselle. Il ne fallait surtout pas que l’intrus, si intrus il y avait, puisse réaliser que je m’étais aperçue de sa présence. Défilaient dans mon esprit les horribles faits divers dont on nous abreuvait à longueur de journée. Le cambrioleur aguerri et armé jusqu’aux dents. Le serial killer étrangleur et violeur tapis dans l’ombre. Et si c’était quelqu’un que je connaissais ? Mais pourquoi alors se cacher ? Était-ce mon anniversaire ? Une surprise-party ? Non. Personne n’aurait eu l’idée d’organiser ça pour moi. D’ailleurs, ce n’était pas mon anniversaire. Angus Mills ? Angus Mills en psychopathe ? Je songeai automatiquement à Wal, dont je n’avais pas su déceler la réelle nature malgré nos années de vie commune. Pourquoi pas Angus alors ? Combien d’êtres humains étaient tués par des gentils voisins ? De belles-filles par des beaux-pères ? Des femmes par leurs conjoints ?

Mon cerveau tremblait désormais de terreur. Il fallait agir avant de me retrouver paralysée par l’effroi. Sortir sur la terrasse et me jeter dans le vide en criant à l’aide ? Ce n’était pas très haut et c’était faisable. Au pire, une jambe cassée. Et s’il n’y avait personne chez moi ? J’allais alors me faire, dans le quartier, la réputation d’une folle qui se défenestre pour un oui ou pour un non. Et non seulement de solitaire. Mais on s’en fout de ta réputation ! Je m’admonestais avec véhémence. Tu ne vas quand même pas affronter je ne sais qui caché je ne sais où, juste pour ne pas perdre ta réputation ? Et bah, oui. Je pris nonchalamment une fourchette - à mon avis moins dangereuse qu’un couteau, et plus efficace à planter, si besoin était, dans les yeux de l’agresseur - et décidai de faire le tour de mon logis de manière astucieuse pour ne pas me couper la voie de fuite que m’offrait le plan ‘saut de la terrasse’. A la dernière, j’avais saisi de l’autre main le savon liquide ; je pouvais toujours le gicler dans les yeux de l’éventuel intrus. Rapide coup d’œil dans les toilettes. Personne. La porte en accordéon était ouverte. Impossible de se cacher là-dedans. Un craquement. Terreur. M’enfuir ? Le bruit venait de la chambre à coucher, et une sorte de force féroce – le courage de la peur, je suppose – m’y poussa tout droit ainsi que vers ma penderie que j’ouvris d’un coup sec. Il était là. Tapi au milieu de mes habits."



"Ils nous ont volé les étoiles" par E. W. GAB

321 pages, couverture souple, format A5
Impression en août 2019

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